Prédication disponible en format audio.

Le calme revient enfin sur la terre. Elle ne tremble plus, le soleil est revenu, les morts sont retournés dans leurs tombeaux, et on a remis un rideau dans le Saints des Saints, ça y est le calme est rendu à la terre…Tout n’est que silence, le Grand Shabbat commence, c’est le Shabbat Haggadol, celui du Messie. Tous se préparent à la grande fête de Pâques alors que l’on met au tombeau le fils du charpentier Joseph de Nazareth au-dessus de la tête duquel était inscrit hier « Roi des Juifs ».

C’est un silence profond qui commence, un silence méditatif. Un silence qui laisse de la place à Dieu. Il va réaliser sa plus grande œuvre, plus grande encore que la création. Et pour ce faire, il plonge le monde dans un silence. Mais ce silence n’est pas celui du chaos indistinct des origines, c’est le silence sur terre après le passage de Dieu. C’est un silence qui permet à notre âme de nous ouvrir à sa Parole et de saisir, de comprendre, de faire nôtre, tout ce qui vient de se passer, en attendant ce qui va encore se produire.

Nous oublions trop vite les bienfaits du silence dans un monde qui promeut le bruit perpétuel. Sans même parler de l’agression d’une rue de grande métropole, il est souvent difficile d’obtenir du silence, ne serait-ce qu’extérieur. Car il existe bien un silence extérieur – l’absence de bruit – et un silence intérieur- une sorte d’accalmie dans nos pensées fugaces et futiles.

Or ce silence est, comme le dit Antoine de Saint Exupéry : «  l’espace de l’esprit, là où il peut ouvrir ses ailes[1]. » Il s’agit bien à nouveau d’une « ouverture » que permet ce nouvel espace. Le bruit vient rendre toutes choses étriquées et étouffante. Dans les Psaumes, l’angoisse est décrite comme une réalité qui nous étrangle : « Dans mon angoisse j’ai crié vers le Seigneur, et lui m’a exaucé, mis au large[2]. » La présence de Dieu dans ce doux silence est ce qui « met au large ». Et donc, de ce silence naît l’espérance. Le silence permet cette ouverture aux merveilles que Dieu fait.

En ce Samedi Saint, nous sommes invités à demeurer en silence. Nous sommes invités à rester là à regarder ce tombeau fermé qui contient Celui qui Est. Dans une sorte d’incompréhension soutenue par les promesses qu’Il a faites « le troisième jour, je ressusciterai[3] ». Pour l’instant nous n’avons que ces paroles qui résonnent dans le silence de notre âme. Il l’a dit…et Il n’a jamais menti…Il l’a dit, et tout ce qu’Il a dit c’est produit ! Sans ce silence de ce jour Saint, nous risquerions de passer à côté de ce qui va se passer pendant cette nuit. Nous risquerions de mal le comprendre, d’y mettre notre bruit à la place. Or c’est bien dans le silence, et caché à la vue de tous, que Dieu va réaliser cette œuvre merveilleuse. Personne n’a vu, ni entendu ce qui s’est passé dans ce tombeau fermé. Il a fallu fermer le tombeau pour que notre âme s’ouvre au silence. Il a fallu que les bruits de Jérusalem cessent, pour que nous fassions retour en nous même pour méditer Ses actes et Ses paroles. Ce jour est celui où nous faisons nôtre ce Mystère Pascal. Ce jour lui permet de pénétrer en nous comme un baume que l’on frictionne sur la peau. N’allons pas trop vite à dimanche. Si Dieu nous a donné le Temps, ce n’est pas pour le court-circuiter. Ce temps compte, même s’il ne se passe rien de visible. C’est le temps de l’ouverture, de la nôtre cette fois-ci, en continuité de celle du Jeudi Saint. Maintenant que nous avons reçu en nous le Seigneur, laissons-lui le temps d’agir, et de bien saisir ce qu’il veut encore faire. Il s’est donner à nous, à présent il veut nous faire vivre de l’intérieur.

Alors, chut ! Plus un bruit, le Lion de la Tribu de Juda s’est endormi, « je vous en conjure, filles de Jérusalem, n’éveillez pas, ne réveillez pas l’Amour, avant qu’il le veuille[4]. »

[1] Saint Exupéry (de) Antoine, Citadelle, Gallimard, Paris, 1948, p. 100.

[2] Ps 117. 5.

[3] Cf. Mt 27.63.

[4] Ct 8.4.

Samedi Saint (Veillée Pascale)- 16 avril 2022 – Fr. Etienne HARANT, o.p.

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