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Jésus dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même,

                   qu’il se charge de sa croix chaque jour, et qu’il me suive » (Lc 9,23).

 

            C’est une déclaration universelle adressée… à chacun de nous ! Nous pouvons tous, en principe, devenir disciples de Jésus. Et ce n’est pas lui qui nous sélectionnera à l’entrée du Royaume : il nous appelle tous, il accueillera tous ceux qui veulent le suivre…  mais qui respecteront aussi les conditions qu’il va spécifier ensuite.

            « Si »… Jésus prend bien soin d’introduire ce « si ». Le suivre n’est pas une obligation, c’est une option ouverte, offerte. Libre à nous de la saisir ou non.

            Comme toujours, il tient à honorer notre liberté, même si celle-ci peut conduire à le priver de disciples potentiellement prometteurs, comme « le jeune homme riche » (Mc 9,17‑22).

Quelqu’un…  Ce quelqu’un contraste avec le tous qui le précède. L’invitation  à le suivre a été adressée à tous mais seuls certains vont y répondre. Il s’agit d’un cheminement personnel vers la sainteté, d’un choix propre à chacun. Certes, le salut a été acquis par le Christ pour tous les hommes ; encore faut-il que chaque être humain l’accueille, y adhère et conforme sa vie à l’Évangile.

            Veut…  L’accent est clairement mis par Jésus sur l’exercice de notre volonté. Notons que le Christ ne dit pas : « si quelqu’un désire », « souhaite », « pense à », « a envie  de »…  Non, il s’agit bien de vouloir, d’engager sa volonté pour le suivre. Car le chemin est exigeant : ce n’est pas une affaire d’amateur, de sentiment d’un moment ou de spéculation. L’enjeu est trop important : c’est la Vie Éternelle…  pas moins ! Il faut donc le vouloir, du plus profond de notre liberté.

         Me suivre… ou « venir à ma suite », selon les traductions (littéralement : venir (ou suivre) derrière moi). Il s’agit d’enclencher une dynamique, de se mettre en mouvement : on se bouge… Surtout pas rester statique, immobile, tranquille. Il faut venir. On ne s’installe pas auprès de lui, une fois pour toutes. Ce sera pour plus tard, dans le Royaume. Pour l’instant, suivre le Christ est toute une aventure !

D’ailleurs il ne donne aucune indication sur la fin et les moyens de cette « suite » : il faut simplement lui faire confiance, accepter de lui signer un chèque en blanc. Il y aura des surprises, des évènements étonnants, qui nous dépasseront. Ce sera déstabilisant… mais passionnant Être disciple, c’est étymologiquement « apprendre de, être familier de »... Ces conditions, formulées par le Christ, ne correspondent pas  à une série de choses à faire, d’activités à accomplir, de services à rendre, même louables et pieux, en un sens, qui nous rassureraient, sur lesquels nous aurions une prise directe, visible. La première condition imposée par Jésus est « qu’il se renie lui-même ».

            Pour devenir disciple, il faut donc d’abord passer par cet étrange « reniement de soi-même » ; nous ne sommes plus dans les demi-mesures, les compromis : l’exigence est là, brûlante. On sent que la barre est haute : c’est que le salut est à ce prix. « Se renier » ou « renoncer à soi-même », ce n’est pas augmenter ses mérites, accumuler des bonnes œuvres, faire plus.

 Au contraire, c’est plutôt perdre, s’appauvrir de quelque chose de fort important ; en fait, du plus important pour nous : c’est-à-dire, de nous-mêmes ! Autrement dit, de notre volonté propre, qui habite le plus intime, le plus personnel de notre être. En quelque sorte, accepter de préférer sa volonté à la nôtre, dans un acte de confiance délibéré et totalement libre. Là encore, Jésus nous montre la voie. Au Mont des oliviers la nuit du Jeudi Saint, il unit sa volonté à celle du Père à l’issue d’un combat intérieur dramatique, pour consentir à la mort sur la Croix qui l’attend : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ! » (Lc 22,42). Cet acte n’est ni imposé de l’extérieur, ni forcé par les évènements. Il n’est pas subi, il est déterminé par notre volonté. « Se renier » est un chemin d’humilité, qui prend à contre-pied nos tentations d’orgueil, d’indépendance ou d’égoïsme. C’est aussi décider de renoncer à son péché, à ses petits conforts, à ses sécurités, aux valeurs du monde. C’est un chemin d’abandon.

 

« Qu’il se charge de sa croix chaque jour ».

         « Qu’il se charge…  se charger, c’est-à-dire :

            –  ne pas se révolter, nier cette croix, mais plutôt l’accepter, l’accueillir ;

            – ne pas la rejeter, l’abandonner, s’en débarrasser, mais bien la prendre sur soi ;

            – ne pas essayer de la repasser à d’autres, de la refiler au voisin, mais bien de l’assumer ; on s’en charge on la reçoit nous-mêmes sur nos épaules ;

            –  ne pas s’effondrer sous le poids : on a la force de porter sa croix mais sans doute seulement en Jésus, avec Lui à nos côtés. Là aussi, remarquons que le verbe est au mode actif : « se charger », comme plus haut, « se renier », donc en opérant par un libre effort de notre volonté. Notons aussi que Jésus, ici, nous encourage à porter nos croix nous-mêmes, pas à les lui remettre, ni à les lui offrir, aussi étonnant que cela puisse paraître.

 

         Chaque jour…  voilà une indication supplémentaire fournie par Jésus, essentielle. En effet, il ne s’agit pas de tenir le coup dans l’épreuve une seule fois, à grand renfort d’héroïsme, puis de s’effondrer, mais bien de « tenir la distance » par la constance et la persévérance quotidiennes. Il faut donc s’exercer à la force d’âme, au courage, les demander au Seigneur si l’on s’en trouve privé ou dépourvu. « Animés d’une puissante énergie par la vigueur de sa gloire, vous acquerrez une parfaite constance et endurance » (Col. 1-11).

 

« Qu’il me suive… »  A priori, nous somme face  à une évidence : « Si quelqu’un veut me suivre… qu’il me suive ! » En fait, le suivre effectivement n’est pas si évident, et c’est bien pour cela que Jésus insiste si fortement. Sans le passage à l’ultime étape, le renoncement à soi même et l’accueil des croix demeurent sinon vains, du moins inachevés, inaccomplis. Comprenons bien : nous pouvons avoir parfaitement rempli les deux premières conditions…  et en rester là. Sans vouloir, ou pouvoir aller plus loin et nous mettre à la suite de Jésus. Or, quoi qu’il en soit, il s’agit bien, en définitive, de suivre le Christ.

            Le suivre…  Non pas le précéder, le devancer, courir plus vite que lui par impatience, impétuosité, orgueil. Il est le Bon Berger (Jn 10,10). Nous sommes invités à le suivre, à notre place de brebis, pas de berger…

            Le suivre, rester derrière Lui, dans son sillage de lumière. Le laisser passer devant, non pas par politesse mais parce qu’il nous ouvre la route, écartant les obstacles, les dangers.

            Le suivre sur ses traces, de près, ne pas le perdre de vue, rester proches de Lui, protégés par lui…

Le suivre, sans savoir vraiment où et comment : où l’on va, comment y arriver et quand… Il faut lui faire confiance comme toujours. Abandon, là aussi, de nos projets, de nos plans, pour nous en remettre à Lui seul, le Bon Berger.

Le suivre tout de suite, maintenant. Tels que nous sommes aujourd’hui, avec nos imperfections, nos limites, nos fragilités. En ayant seulement choisi de renoncer à

nous-mêmes et de porter nos croix chaque jour. En étant déterminés à Le suivre, en nous décidant pour Lui. Le suivre n’est pas confortable, ce n’est pas vivre dans un cocon douillet : la pauvreté, les épreuves, l’imprévu sont au menu. Il faut se détacher des biens de ce monde.

 

            C’est Jésus lui-même qui va fournir la conclusion de ce parcours de foi. C’est précisément l’objet du verset 24 suivant où il déclare : « Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais celui qui perds sa vie, à cause de moi, celui-là la sauvera ». Nous sommes placés devant un choix décisif. C’est en nous élançant à sa suite dès maintenant, dans la confiance et l’espérance, malgré nos péchés et nos imperfections, que, progressivement, nous allons être davantage capables de renoncer à nous-mêmes, de mieux supporter nos épreuves ; et donc de le suivre sur le chemin du Bonheur, de la Joie, celui de l’Amour éternel, du Salut

         Bonne méditation à tous et à demain.

                        Extraits de « Petite vie dans les épreuves », de Jean-Romain FRISCH,                                                          membre de la Communauté de l’Emmanuel

Le jeudi après les Cendres – Jeudi 3 mars – Noéline FOURNIER, Laïc

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