Pourquoi Judas a-t-il trahi Jésus ? L’Évangile nous parle de l’argent. C’était lui qui tenait la bourse de la communauté apostolique. Était-il attiré par l’argent ? Nous savons que la cupidité est la racine de tous les maux.

Judas a dû se tromper probablement de Messie. Il s’attendait à un Messie-Roi, libérateur politique d’Israël face au pouvoir de l’empire romain. Voyant Jésus, fragile et menacé de mort, il a douté de la grandeur de son rabbi.

Comment ne pas rester scandalisé par son péché ? En outre, il a livré son maître en l’embrassant. Le baiser, au lieu de manifester l’amitié, apparaît le soir du Jeudi saint à Gethsémani comme le signe choisi à l’avance pour désigner le rabbi bien-aimé aux yeux des soldats envoyés par les grands-prêtres.

Fra Angelico (1395-1455), le patron des artistes, a peint cette scène du baiser de Judas dans les fresques du couvent dominicain saint Marc à Florence (Italie). Judas, vieux et triste, embrasse Jésus, jeune et rayonnant.

Mais Judas n’est pas un homme « sans vergogne », « sans honte ». Sa  conscience lui reproche sa trahison. Et il se reprend se rendant chez les Sadducéens pour leur rendre les trente pièces d’argent. Mais ces grands-prêtres, membres influents du Sanhédrin, ne veulent pas se salir en les recevant. Les trente pièces du sale et sacrilège contrat n’iront pas au Temple. Elles servirons à acheter un terrain pour ensevelir les étrangers de passage à Jérusalem.

Judas, dans son repentir, souffre de cette réaction de la classe sacerdotale.  Il se sent seul, piégé, indigne, désespéré.

Le père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, commente cet événement en mettant en parallèle Judas et le reniement de Simon-Pierre : « Pour être pardonné, il eût fallu qu’il demandât pardon. Il était encore temps. Jésus le lui aurait accordé d’un regard comme à Pierre, s’il avait rencontré son regard suppliant. Judas douta de sa miséricorde, se referma loin de Dieu dans un farouche désespoir et se pendit[1]. »

L’Église n’a jamais affirmé que Judas était condamné en enfer. Personne ne sait ce qui s’est passé dans son âme au moment tragique du suicide. Jésus lui-même, tout Fils de Dieu qu’il était, a éprouvé l’angoisse de la mort et le sentiment terrible de l’abandon et par ses disciples et par Dieu le Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34).

Tout au long de l’histoire de l’Église, la figure de Judas a inspiré la réflexion des théologiens et des artistes, à tel point Judas demeure toujours d’actualité. Il renvoie aussi à la puissance de l’Amour de Dieu plus grand que le péché (Cf. I Jn 3,20).

Il y a quelques années, à Marseille, j’ai célébré les funérailles d’une mère de famille, chrétienne, femme de prière, fidèle à la messe dominicale. Malgré sa foi, elle était habitée par le désir maladif de mettre fin à ses jours. Sa famille avait embauché une employée pour veiller sur elle jour et nuit. Il suffit d’un instant d’inadvertance pour que cette maman se jette du haut du cinquième étage où elle habitait.

Qui sommes-nous pour condamner Judas ou cette mère de famille ? Le suicide est contraire à la volonté de Dieu mais laissons à Jésus miséricordieux le jugement. Il est le seul à connaître ce qu’il y a dans l’homme.

 

Seigneur Jésus accorde-nous la grâce de la fidélité et du repentir. Garde-nous de mépriser et de condamner les autres. Fais jaillir en notre cœur la prière d’intercession pour les pécheurs !

 [1] Marie-Joseph LAGRANGE, O.P., L’Evangile de Jésus-Christ avec la synopse évangélique, traduite par le père Celas LAVERGNE, O.P. Préface de Jena-Michel Poffet, O.P. et présentation de Manuel Rivero O.P. Paris, éditions Arthège-Lethielleux, 2017, p. 588.

 

Fr. Manuel Rivero O.P. – Temps de Carême – Lundi  26 mars 2018

Aumônier du centre pénitentiaire de Domenjod (Saint-Denis. La Réunion).

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