Prédication disponible en format audio.

     « D’Égypte j’ai appelé mon fils.

         Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte :

         c’est Rachel qui pleure ses enfants

                  et ne veut pas être consolé, car ils ne sont plus » (Mt. 2,13-18).

        La première mort à laquelle Louis et Zélie MARTIN doivent faire face est celle de leur petit Joseph, né en septembre 1866.

          Ce premier garçon fait le bonheur de ses parents et Zélie s’imagine déjà en train de coudre en points d’Alençon sa future aube de prêtre. Mais en dépit des bons soins, il meurt d’entérite cinq mois plus tard. Le seul document conservé sur ce terrible événement est la réponse de la sœur de Zélie, religieuse, Sœur Marie Dosithée, que des chrétiens de la pointure des MARTIN pouvaient entendre :

« Chère sœur, comment te consolerai-je ? (…)

Dieu nous l’a donné, il nous l’a ôté ; son saint nom soit béni !

          Ce matin, à la Sainte Communion, comme je priais Notre Seigneur de nous laisser ce pauvre petit, que du reste, nous ne voulions élever que pour sa gloire et pour la conquête des âmes, il m’a semblé intérieurement entendre cette réponse : « qu’Il voulait les prémices et te donnerai plus tard un autre enfant, qui serait tel que nous les désirons ! »

          Semblant répondre à cette prière, un second garçon, lui aussi prénommé Joseph, naît en décembre 1867 et meurt en août de l’année suivante.

Sœur Marie Dosithée écrit encore : « C’est bien le maître du colombier qui est venu prendre son petit colombeau pour le mettre en son Paradis, alors acquiesçons de toutes nos forces à sa volonté. »

          Pas un répit n’est laissé aux parents endeuillés car moins de dix jours plus tard, le père de Zélie décède à son tour. Elle ne l’avait pour ainsi dire jamais quitté et était profondément attachée au vieil homme. Elle écrit alors :

 « J’ai le cœur brisé de douleur, et, en même temps, rempli de céleste consolation. »

          Réaction qu’éclaire le beau texte de Madeleine DELBRÊL : « La mort, elle s’apprend à chaque arrachement, définitif, des bien-aimés. Car, même quand la foi et l’espérance réunies, et même notre charité pour eux, affirment notre joie de les savoir rendus au Ciel, nous, nous restons avec notre sang qui proteste, avec notre chair creusée, lésée, notre chair dont on semble avoir tué un grand morceau et cette horreur de la terre, du noir et du froid qui fait pleurer même Jésus. »

          Dix-huit mois plus tard, la mort vient à nouveau frapper les MARTIN, emportant le 22 février 1870 leur adorable petite Hélène, alors âgée de cinq ans et demi. Zélie raconte :

          « Elle regardait une bouteille que le docteur lui avait ordonnée et voulait la boire, en disant que quant tout allait être bu, elle serait guérie ; puis, vers dix heures moins le quart, elle me dit : « Oui, tout à l’heure, je vais être guérie, oui, tout de suite… »

          Au même moment, tandis que je la soutenais, sa petite tête est retombée sur mon épaule, ses yeux se sont fermés, puis cinq minutes après elle n’existait plus… Cela m’a fait une impression que je n’oublierai jamais ; je ne m’attendais pas à ce brusque dénouement, ni mon mari non plus.

Quand il est rentré, et qu’il a vu sa petite fille morte, il s’est mis à sangloter en s’écriant : « Ma petite Hélène ! Ma petite Hélène ! » Puis nous l’avons offerte ensemble au bon  Dieu (…)

          Avant l’enterrement, j’ai passé la nuit près de cette pauvre chérie ; elle était encore plus belle morte que vivante. C’est moi qui l’ai habillée et mise dans le cercueil ; j’ai cru que j’allais en mourir, mais je ne voulais pas que les autres la touchent. (…) J’en ai pour toute ma vie à pleurer ma petite Hélène ! »

          Ce qu’elle fera effectivement, tout comme Louis qui, jusque dans sa dernière maladie, répètera le vers de Chateaubriand : « Oh ! Qui me rendra Hélène ? »

          A la souffrance du deuil s’ajoute celle mordante de la culpabilité

« Je me reproche tout », écrit-elle ; Zélie en fait l’expérience à chaque maladie grave des nourrissons : « On ne sait comment faire ni comment s’y prendre, on craint de ne pas lui donner ce qu’il convient, c’est une mort continuelle. Il faut passer par là pour savoir ce qu’est ce tourment, je ne sais pas si le purgatoire est pire que cela. »

Ce deuil est sans doute le plus douloureux pour les MARTIN, et cette fois Zélie peine à tenir le coup. « Parfois, je me figure que je m’en vais tout doucement comme ma petite Hélène. Je vous assure que je ne tiens guère à la vie.

Depuis que j’ai perdu cette enfant, j’éprouve un ardent désir de la revoir ; cependant ceux qui restent ont besoin de moi et, à cause d’eux, je prie le bon Dieu de me laisser encore quelques années sur la terre. »

Leur force d’âme face aux deuils a beau être impressionnante, il ne sont pas des héros : « Mon Dieu ! avoue Zélie, que je suis cependant ennuyée de souffrir ! Je n’ai point de courage pour un centime. »

 Comment Louis et Zélie ont-ils pu supporter tous ces deuils sans amertume ni révolte ?

          La réponse se trouve dans leur profonde foi. Au fil des épreuves, ils finissent par élaborer une petite théologie de la souffrance.

          Louis et Zélie, profondément humbles, savent quelle est leur place en face de Dieu : ce ne sont pas eux les maîtres de la vie et de la mort. Zélie n’hésite pas ainsi à écrire à propos de ses enfants rappelés à Dieu, c’est-à-dire appelés par Dieu :

« Le bon Dieu est le Maître, et il n’avait pas à me demander la permission. »

          Les enfants sont un don et non un dû. Ces deuils font encore grandir les parents MARTIN dans cette humilité ; ainsi, après la mort des deux Joseph, le couple cesse de demander à Dieu un futur prêtre, ne demandant plus que l’accomplissement de sa volonté.

          Certes, le seigneur a « pris » leurs enfants auprès de Lui, mais les MARTIN, avec un abandon héroïque, les ont « donnés » ou « offerts ». « Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18).

          C’est avec cette même liberté qu’ils offrent à Dieu ce qui leur est plus cher encore que leur propre vie, celle de leurs enfants. Toutes ces souffrances n’ont en rien diminué la confiance de Zélie en son bon Père. Revenant sur cette triste période, Zélie ajoute : « Dieu n’en donne jamais au-dessus des forces »…

          Outre leur confiance en la bonté du Père et de sa providence, l’espérance que leurs enfants morts sont au Ciel les soutient : « Cette enfant est heureuse et cela me console. »

          Pour Louis et Zélie, les larmes amères, mais, pour leurs enfants, le bonheur ; c’est la consolation de ces généreux parents. Avec leurs petits « anges », ils expérimentent la Communion des Saints du Ciel et de la terre. Louis et Zélie ne manquent pas de témoigner autour d’eux de cette belle réalité, avec la délicatesse de l’éprouvé et sans illuminisme : « Vous le voyez, ma chère sœur, c’est un grand bien d’avoir un enfant au Ciel, mais il n’est pas moins pénible pour la nature de le perdre, ce sont là les grandes peines de notre vie» Et puis comme dit Zélie, « il y a toujours la joie à côté de la peine ».

          Les MARTIN ne se replient pas sur leur malheur et savent aussi profiter de la joie qu’ils se donnent l’un à l’autre et de la joie que leur donnent leurs enfants. Aussi l’ambiance est-elle, en dépit des épreuves, souvent bien gaie dans la maison familiale.

                    « Louis et Zélie MARTIN, les saints ordinaires », Hélène MONGIN.

                                                                                           Édition Emmanuel.

MÉDITONS

 Sois sans crainte et va vers tes frères.

Alors que tu te crois seul, avec tes soucis ou ta maladie,

beaucoup sont avec toi au service de la vie ;

des mains ouvertes te sont offertes :

mains des médecins et des voisins qui prennent soin,

main du cœur, mains de frères et sœurs,

et aussi main du Seigneur.

Écoute-le, il te dit :

« Malgré ton corps ou ton cœur endolori,

affronte le monde et la haute mer »

Sois sans crainte et va vers tes frères,

car eux aussi, dans le tourbillon de la vie,

ont besoin de tendresse et d’amis.

AMEN

Fête des saints Innocents, martyrs – 28 décembre 2021 – Noéline FOURNIER, laïc

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