Prédication disponible en format audio.
Le film de Mel Gibson sur « la Passion du Christ » est un véritable choc lorsqu’il nous montre, avec tous ses effets spéciaux ultra réalistes, jusqu’où peut aller la méchanceté gratuite et la cruauté des hommes… Et notre société, avec ces jeux vidéos et ces films où se multiplient les tirs d’armes automatiques, les coups, les blessures sanglantes, les morts par dizaines, tend à faire oublier que derrière toutes ces actions, certes spectaculaires, se cachent beaucoup de souffrances et de déchirements devant les blessures de l’être aimé, devant sa mort…
La Passion du Christ nous remet face à toutes ces cruautés que nous ne voudrions pas voir, mais, hélas, elles existent et font partie du quotidien de tant de personnes… Le Christ, Lui, ne les a pas fuies… Après avoir prié toute une nuit avec une intensité telle qu’il en a transpiré du sang et de l’eau, note, seul, St Luc (Lc 22,44), « le cher médecin », comme l’appelle St Paul (Col 4,14), Jésus, pour protéger ses disciples, va aller au devant de ceux qui viennent l’arrêter : « « Qui cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Jésus, le Nazaréen ». « C’est moi ! », leur dit-il. » Mais littéralement, nous avons dans le texte de St Jean « Égô éïmi, Je Suis », une formule particulière employée lors de l’épisode du buisson ardent où Dieu révéla son Nom à Moïse : « Je Suis Celui qui est, Égô éïmi o ôn » (Ex 3,14). En Jésus Christ, Dieu Lui‑même fait face à la violence et à la cruauté des hommes… Il ne la fuit pas. Avec toute sa Majesté Divine, sa Majesté Royale, il l’affronte pour la vaincre ! Et c’est ce qui est déjà annoncé lorsque St Jean nous raconte que dès Jésus eut dit « C’est moi ! », ou plutôt « Je Suis ! », les gardes reculèrent et tombèrent par terre ! Une Parole a suffi pour les balayer, eux et leurs armes ! Mais ils vont se relever et arrêter Jésus… Cependant, il est bien clair maintenant que ce ne sont pas les hommes qui le saisissent, c’est Lui qui se donne, pour affronter notre méchanceté, notre cruauté, notre violence, et les vaincre…
Mais comment va-t-il s’y prendre ? En répondant, comme nous le ferions tous, à la violence par la violence ? Non, dit-il à Pilate, « ma Royauté ne vient pas de ce monde ; si ma Royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré… Non, ma Royauté ne vient pas d’ici ».
Mais d’où vient-elle ? La Royauté du Fils vient de son Père… Jésus s’abandonne totalement entre ses mains, il le laisse faire, il le laisse agir : « Insulté, sans rendre l’insulte, maltraité sans faire de menace, il s’en remettait à qui juge avec justice » (1P 2,23). « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie » (Jn 17,1)… Jésus compte donc sur son Père pour vivre tous ces évènements en fidélité à ce qu’Il Est profondément… Et Qui est-il ? Il est ce Fils « né du Père avant tous les siècles, engendré, non pas créé » disons-nous dans notre Crédo. Le Fils se reçoit ainsi entièrement du Père, en tout ce qu’il est, car le Père, de son côté, ne cesse de se donner lui-même, de lui donner tout ce qu’il a (Jn 16,15), tout ce qu’il est. Et c’est ainsi que grâce à ce Don qu’il reçoit du Père « avant tous les siècles », Jésus est « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu », disons-nous encore dans notre Crédo. Jésus est ainsi Roi par ce Don qu’il reçoit du Père de toute éternité, Don par exemple de cette Lumière, Lui qui est « Lumière née de la Lumière », une Lumière qui ensuite va régner sur toute forme de ténèbres : « La Lumière a brillé dans les ténèbres », écrit St Jean, « et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5).
Mais si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), il est aussi « Amour » (1Jn 4,8.16) et c’est cet Amour que le Fils reçoit du Père depuis toujours et pour toujours qui va régner, en Lui et par Lui, sur notre méchanceté, notre cruauté, notre violence… Et la Royauté de cet Amour va se révéler paradoxalement lorsque Pilate va présenter Jésus à la foule avec une couronne d’épines et un manteau de pourpre, en disant « Voici votre roi ». En cet instant, Jésus se tait. Son Amour ne répond pas au mal par le mal : il est plus fort ! Battu, frappé, fouetté et finalement crucifié, Jésus ne cessera d’aimer notamment ceux qui lui font tant de mal ! « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Et il s’offrira pour leur salut, et pour notre salut à tous, nous qui sommes tous pécheurs…
« Louez le Seigneur, tous les peuples ;
fêtez-le, tous les pays !
Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
éternelle est la fidélité du Seigneur ! » (Ps 117(116)).
Jacques Fournier, diacre.
Vendredi Saint, le 18 avril 2014