Prédication disponible en format audio.

Alors que le chaos et le néant règnent, et rien n’est encore, sinon Dieu seul, une Parole donne l’existence au monde, une Parole le fait advenir. Le livre de la Genèse nous donne à voir cela sous la forme d’une image : celle d’un « vent de Dieu » et d’une « ombre » qui planent au-dessus de l’abîme.

Au commencement de cette Semaine Sainte, je vous propose de revenir au commencement du monde, au prémices de l’histoire du salut, dont nous verrons, et célébrons, l’aboutissement dimanche ! Dès le commencement, on lit entre les lignes des textes fondamentaux qui soutiennent notre foi, que Dieu à un dessein qui est conduit par une « ouverture », par quelque chose qui ouvre à autre chose. Et la vertu d’espérance est précisément cette disposition en nous qui nous fait tenir vers cette « ouverture », qui nous tend vers un passage vers autre chose, que nous ne pouvions même pas imaginer, mais uniquement espérer.

Qui aurait pu penser que du rien, surgirait l’être ? Qui aurait pu se douter que sur un amas de lave refroidis on puisse un jour se promener dans une forêt primaire de toutes beautés ? L’espérance, c’est bien elle qui nous fait tenir devant l’absence de tout.

Du rien, Dieu fit le bien. Du rien, tout advint. La terre était « vide et vague » traduit-on généralement. Ceci cherche à rendre une expression hébraïque תֹ֙הוּ֙[1] וָבֹ֔הוּ[2] (tohu wa vohu), cela désigne une réalité mélangée, un « meli-mélo », un chao indistinct…Ce qui n’est pas vraiment naturel pour nous c’est ce curieux rapprochement de sens entre « chao » et « vide ». Ces deux mots sont souvent mis en rapport l’un avec l’autre dans la Bible, ce qui laisse sous-entendre que ce qui n’est pas organisé, n’a pas vraiment d’existence. Le chao correspond au vide. Et Dieu vient justement mettre de l’ordre, et donc faire advenir à l’être. Il en va peut être de même dans nos vies. L’espérance vient mettre de l’ordre dans le chao. Elle vient organiser ce qui est désuni en donnant la direction fondamentale de toute notre vie. Dans cet océan de mélange indistinct, l’espérance est ce qui nous fait voir ce qui a vraiment de l’importance et qui durera, pour toujours !

En grec, cette expression de tohu wa vohu est traduite d’une manière toute à fait spécifique. Le monde n’est plus vide et vague, mais plutôt « invisible et sans forme »[3]. Et quel est la première création de Dieu ? La lumière ! Dieu rend le monde visible par la lumière, il ouvre une réalité insoupçonnée jusque-là, de l’inattendu. Des ténèbres primordiales jaillit la lumière qui fait voir le monde ! Et cette même lumière vient aussi donner forme à ce qui jusque-là n’en avait pas. Autrement dit, la Parole divine[4] donne à voir et organise le monde.

Et juste après avoir nommé le « jour » et la « nuit », en séparant la lumière des ténèbres (et donc en créant une « ouverture ») Dieu s’épare les eaux d’en haut de celles d’en bas. Ce faisant, il crée un passage. La distinction des eaux donne lieu au « firmament ». Il est « l’ouverture », il peut être symbole pour nous de l’espérance, de cette troisième route qui s’ouvre entre deux abîmes qui semblent bien définitifs.

Depuis le commencement, Dieu créer des « ouvertures », Il nous fait ainsi saisir que le chao, que le néant, ne peut régner, et que face à lui il dit, et il fait, et ainsi ouvre à plus encore que ce que l’on pouvait espérer.

 

[1] Litt. ce mot semble bien désigner « confusion », « vide », « sans forme », « irréel ». On retrouve ce mot dans d’autre passages, la plus part du temps pour exprimer le vide, l’absence (ex : Is. 24.10 ; Is 59.4 ; Jr 4.23…).

[2] Semble désigner plus littéralement le « vide ».

[3] En grec : ἀόρατος καὶ ἀκατασκεύαστος.

[4] « Dieu dit : que la lumière soit ! » Gn 1.3.

Lundi Saint – 11 avril 2022 – Fr. Etienne HARANT, o.p.

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