Prédication disponible en format audio.

L’histoire de la relation entre Dieu et son peuple n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est faite de vagues, de soubresauts, et de rebondissements. Au le début de cette alliance, le peuple dit « oui-oui[1] » des lèvres et trahit aussi vite sa parole. Pensons à Moïse qui découvre avec horreur, alors qu’il était face à Dieu, que le peuple c’est fait des idoles, le tout conduit par son frère Aaron (premier grand prêtre d’Israël…). Israël est un peuple à la « nuque raide[2] », et qui n’hésite pas à faire demi-tour dès que cela devient trop compliqué, ou que les Paroles de Dieu ne lui plaisent pas.

Et pourtant face à cette rébellion latente qui surgit ponctuellement, nous trouvons en réponse les paroles des prophètes. Ils vont sans cesse rappeler au peuple qui est son Dieu et quel est son dessein. Même dans la pire adversité, ils vont redire que Dieu est bon et qu’il veut le bien. Nous l’avons entendu au début de ce carême dans la bouche du prophète Isaïe :

« Venez, et discutons – dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine. Si vous consentez à m’obéir, les bonnes choses du pays, vous les mangerez ; mais si vous refusez, si vous vous obstinez, c’est l’épée qui vous mangera. – Oui, la bouche du Seigneur a parlé. Comment ! Elle s’est prostituée, la cité fidèle ! Le droit y régnait, la justice l’habitait, et maintenant, ce sont les meurtriers[3]. »

Mt Sinai – www.colemanart.com

Dieu crée une ouverture face au péché. « Venez et discutons », le peuple ne se voit pas opposé une fin de non-recevoir. Le Seigneur invite Israël à s’assoir et à parler avec lui, montrant que tout n’est pas perdu et que le peuple peut avoir une espérance. Quel est le fruit de cette espérance : le pardon de ces fautes, la transformation du rouge écarlate au blanc neigeux. Si l’on obéit, Dieu donnera les fruits, ceux que nos premiers parents ont pris par désobéissance[4]. Ces derniers se sont servis alors que Dieu voulait donner, en son temps, toutes ces choses. Sans cette attente, c’est « l’épée[5] » qui garde à présent ces biens convoités, qui nous mangera. Autrement dit, ce bien s’il n’est pas obtenu en son temps par obéissance, devient une menace.

C’est probablement ce que n’a pas compris Juda non plus. En ce Mercredi Saint, nous faisons mémoire du moment où Juda échafaude en son cœur le plan de livrer Jésus, de le trahir. Il est dans la même posture que son peuple rebelle. Il ne veut pas que Dieu agisse comme il veut. Il pousse Jésus à se manifester, à dire à tous qui il est vraiment, face au Sanhédrin, face à Pilate…Tout comme les hébreux au mont Horeb ont poussé Dieu à se manifester sous la figure du veau d’or. Mais Dieu n’agit pas comme cela, son temps n’est pas le nôtre, et il veut donner bien plus que ce que nous osons espérer.

Notre espérance, c’est que de cette honteuse trahison, de l’un des plus proches de Jésus, Dieu donne sa grâce au monde. C’est un mystère étonnant, mais il a fallu que Juda trahisse…lui qui a tout vu depuis le commencement, lui qui a même communié à la Sainte Cène, c’est lui qui livrera son maître, l’Agneau sans tâche. Le mal est entré au cœur même de la rédemption, qui aurait pu penser que l’un des Douze ferait cela ? Et pourtant de cet acte de trahison, Dieu donne le salut au monde. Dieu ne se venge pas, tout en accomplissant sa justice qui est au-delà de la vengeance. C’est bien à cet endroit que ce glisse « l’ouverture » de l’espérance, même face aux agissements les plus bas et vils, Dieu créer un espace par lequel il insuffle son Esprit de Vie. Dieu est plus grand que nos petites (ou grandes !) trahisons. Bénis soit Dieu !

 

[1] Cf. Ex 19.8.

[2] Cf. Ex 32.9 ; Dt 9.13 et Ac 7.51 (cette liste est loin d’être exhaustive…).

[3] Is 1.18-21.

[4] Cf. Gn 3.6.

[5] Il y a un intéressant parallèle entre la mention de « l’épée » qui dévore en Is 1 et celle du Chérubin qui garde l’arbre suite au péché de nos premiers parents. De plus, le nom du couteau dont se sert Abraham pour égorgés son fils Isaac (avant que l’ange de l’arrête), ce nomme précisément et littéralement « la dévoreuse » (cf. Gn 22.6, on retrouve la même racine mais avec le sens de « dévoré » en Is 9.4).

Mercredi Saint – 13 avril 2022 – Fr. Etienne HARANT, o.p.

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