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Comment éduquer aujourd’hui ? D’après quelles références ? Dans quel but ?

L’éducation est l’art de vivre heureux dans le déploiement des potentialités de chacun. Il me semble que nous confondons parfois « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ». Quand nous disons d’un tel qu’« il a réussi », c’est en référence à son statut social, son emploi, sa villa et sa voiture dernier modèle …

Malheureusement l’aspiration des parents se limite parfois à la réalité matérielle : « Que nos enfants ne manquent de rien ! » ; « qu’ils aient le dernier modèle d’ordinateur, de tablette et de téléphone !» ; « le dernier vêtement à la mode » … Dans la société de consommation, le souci concerne davantage l’avoir que l’être, le prix sur les étagères que la valeur des choses.

Demandons-nous : est-ce que nous formons nes enfants à la solidarité et au sacrifice ? Si nous les formons à l’égocentrisme, non seulement ils ne seront pas heureux mais ils ne s’occuperont pas non plus leurs parents dans leur vieillesse. Quand j’étais en Haïti il y a six ans, une petite fille est arrivée un jour en pleurant à chaudes larmes pour se confesser. Je lui ai demandé ce qui lui arrivait. Elle pleurait parce qu’elle n’avait pas partagé les quelques gourdes -monnaie haïtienne- qu’elle possédait avec un pauvre qui avait faim. Son choix s’était tourné vers les bombons. Je ne vois pas aujourd’hui les enfants réunionnais pleurer parce qu’ils ne partagent pas. Pourtant, ce serait signe de bonne éducation chrétienne, garant aussi d’un avenir de fraternité et d’amour.

L’éducation passe par le partage et le sacrifice. Je pense à ma propre famille en Espagne qui a connu la guerre civile en 1936 : violence, conflit fratricide, famine, tortures, mort … Mes grands-parents et mes parents m’ont toujours présenté avec crainte et pudeur cet événement tragique non sans me faire part de leur foi et de leur solidarité avec les détenus dans les prisons. À la fin de la guerre civile, mes grands-parents accomplirent le vœu qu’ils avaient formulé aux jours de l’angoisse : s’ils en sortaient vivants avec leur famille ils iraient pieds nus en pèlerinage à une longue distance de chez eux. Ils marchèrent en priant les pieds ensanglantés. Ma mère, qui avait 15 ans à l’époque, apportait aux détenus des prisons de Bilbao vêtements et nourriture. « Les paroles instruisent ; les exemples entraînent. »

La publicité réduit souvent le désir infini de l’homme aux envies voire à la tentation de jouir en dominant l’autre. Que nous sommes loin de la célébration des martyrs qui ont subi humiliations et supplices pour témoigner devant les hommes de foi en Jésus-Christ ! Nous risquons de devenir « légers » dans une culture « light », liquide, inconsistante.

Récemment, j’ai appris avec émerveillement qu’une cousine germaine de mon grand-père maternel avait été béatifiée. Le curé du village castillan de ma famille m’a téléphoné pour m’en informer. Toute jeune religieuse adoratrice, sœur Purificación María Martínez Vera a versé son sang à Madrid le 10 novembre 1936, fusillée en haine de la foi catholique.

Ma famille a connu les souffrances de la guerre civile et de la pénurie alimentaire. Cela ne lui a pas enlevé la joie qui vient de la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité. Je rends grâce à Dieu d’avoir grandi entouré de l’amour d’une famille « qui n’avait pas tout »  mais qui savait chanter et rire. L’humour est l’arme des pauvres dans l’adversité !

Saint José-María Escrivá de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, aimait à dire que « la joie chrétienne a des racines en forme de croix ».

Je pense à une famille amie de Marseille qui finit chaque journée en priant : « Seigneur, nous te rendons grâce, car nous sommes heureux. Nous manquons de beaucoup de choses. Nous sommes heureux parce que tu nous aimes et que nous nous aimons. »

L’amour n’est-il pas le bien qui nous manque le plus ?

Fr. Manuel Rivero O.P.

Mercredi 4 Janvier 2017

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