Prédication disponible en format audio.

Is 52, 13 – 53, 12, Psaume (30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ad, 15-16, 17.25), He 4, 14-16 ; 5, 7-9, Jn 18, 1 – 19, 42.

Qui aurait cru ? 

Dans Isaïe 52, nous pouvons lire « Car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler. Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? (Is 52). Quel chemin spirituel parcouru depuis cette déclaration du prophète Isaïe jusqu’à celle de saint Jean  après bien des siècles : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Or nous sommes, nous aussi, en communion avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ. (1 Jn 3). C’est le même périple spirituel que les disciples du Christ ont traversé, que le Christ lui-même a effectué pour être en union avec le Père : je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. (Jn 5, 30) 

Qui aurait cru ? C’est bien une question de crédibilité, de foi, de confiance en Dieu, de l’image que nous nous faisons de lui. Et Jésus lui-même dans son humanité s’est peu à peu laissé porter par les événements, pour réaliser la volonté de son père, pour accomplir la loi et non seulement l’appliquer. A l‘instar du Père qui, à la création, entre dans l’histoire des hommes et s’engage dans un processus de croissance, (« Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je vais, on pourrait traduire : « je me lance à », lui donner un vis-à-vis (Gn 2, 18) ). Jésus lui aussi va entrer dans cette voie royale de la foi que constitue le discernement, un chemin de croissance. « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. (Mt 7,21 ) Et le pape François d’ajouter : « Discerner les choix. On choisit une nourriture, un vêtement, un parcours d’études, un travail, une relation. Dans tout cela, se concrétise un projet de vie et également notre relation avec Dieu. (Audience du Mercredi 31 août 2022)

Dans le premier dimanche de carême nous avons marché avec Jésus pendant 40 jours. Par ce laps de temps Matthieu indique qu’il est le Nouveau Moïse. Mais la question va plus loin. Le diable profite de sa faiblesse (« il eut faim) » pour l’éprouver dans sa propre identité fraîchement découverte à son baptême : (Mt 3 17 : Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » et  « si tu es Fils de Dieu. » Transformer les pierres en pain, se manifester spectaculairement aux hommes pour attiser leur admiration, prendre le pouvoir et par là-même se détourner de Dieu, autant d’invitations à s’éloigner de sa vérité dans une série de gestes qui disent le contraire. Il ne suffit pas de souhaiter une bonne journée à un ami, encore convient-il d’accompagner cette bénédiction d’un sourire ou d’un geste de bienveillance.  Si l’avoir ne dit pas tout de l’être l’agir le révèle et le construit. 

Mais voilà ! Il ne suffit pas de se reconnaître dans un combat intérieur, il faut encore choisir, discerner, la manière ajustée à la volonté de Dieu pour être soi-même, conforme à l’image de Dieu en nous.

Pauvre Jean Baptiste qui prisonnier d’un Hérode instable et sentant le couperet s’approcher dangereusement de son cou, envoie ses disciples auprès de Jésus avec la question : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Et Jésus de dire : Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle (Mt 11, 4-5 qui renvoie à un centon de textes d’Isaïe). En montrant ce qu’il fait et en le référant à Isaïe, Jésus révèle à son cousin sa manière de faire la volonté de Dieu, et qu’il ne sera pas un messie selon le modèle du roi David, mais plutôt du Serviteur Souffrant.  Jésus  ne le libérera donc pas de l’exécution capricieuse d’un despote sanguinaire en prenant les armes et le pouvoir. « Rendez à César ce qui est à César ».  Mais c’est un chemin d’humiliation qu’il adopte (« Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ».)

Pauvre foule nourrie avec cinq pains d’orge et deux petits poissons, et qui « à la vue du signe que Jésus avait accompli, se disait que c’était vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » l’obligeant à se retirer dans la montagne, seul, de peur d’être enlevé pour être fait roi (Jn 6, 1-15). Il eût été tellement tentant de se laisser porter par une populace qui voyait en lui l’homme providentiel face aux défis économiques et sociaux. 

Et pauvre Simon-Pierre qui à peine a t’il reçu une excellente appréciation de rabbi  pour sa déclaration de foi ( « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »)  avec les félicitations du jury (« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »)  et qui pourtant  n’intègre pas  le programme de son maître (« À partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter ».) Pierre  se fait recadrer aussi sec :  « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chuter : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16, 16-23) 

Pas comme un roi terrestre, vainqueur par les armes et la puissance des mots mais comme ce personnage énigmatique du Serviteur Souffrant aux trois chants isaïens, par l‘humilité et l’anéantissement. 

Reprenons quelques versets en méditant la manière de faire de Dieu à travers son fils : 

« La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme … il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. »

Déconcertante pédagogie qui nous propulse bien loin de nos schémas humains, trop humains, dirait le philosophe athée Nietzsche,  sinon mondains. Mystère d’amour qui donne tout et va jusqu’e dans les recoins les plus déshumanisés de notre humanité, la souffrance sous toutes ses formes et la mort, privation de toute relation. Un Dieu qui sauve tout et assume tout. « Je ne suis pas venu abolir la loi mais l’accomplir », non l’appliquer à la manière des pharisiens mais la réaliser dans toute sa radicalité, en y engageant tout son être.

Cette manière de faire est tellement déconcertante à nos yeux que Jésus accorda à ses disciples la révélation de sa personnalité dans toute sa force avec Moïse et Elie comme compagnons. Par la Transfiguration encadrée de deux annonces de la passion et de sa résurrection, le Fils de l’homme assume ce chant dans sa totalité préfigurant le succès de son acte : « Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! avec un effet universel… » et « Par suite de ses tourments, il verra la lumière, la connaissance le comblera. Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. »

En ce vendredi saint contemplons notre Seigneur qui nous ouvre à son mystère d’abaissement et de glorification. Comme lui, plongeons dans la mort et la vie par l’amour qui rend tout possible. 

Phil 2, 5-11

Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus,

 ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.

C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Alors, qui l’aurait cru ? 

Nous, chacun de nous, moi et toi,  lui et elle, hier, aujourd’hui et pour les siècles des siècles. 

Vendredi Saint – 7 Avril 2023 – Père Denis JOASSART

Vous pouvez nous envoyer vos demandes de grâces et intentions de prière en répondant dans l’espace de commentaires. Nous vous invitons aussi à partager cette méditation avec vos amis.

 
 

Votre email ne sera pas publié. Les champs obligatoires sont marqués *

*