Prédication disponible en format audio.

Au soir de la Cène, le Seigneur pose un geste très simple qui est soudainement chargé d’un poids et d’une signification mystérieuse et infinie. Le Seigneur rompt du pain et le donne à ses disciples en disant « ceci est mon corps ».

Ce geste est le plus banal qui soit, il est reproduit des millions de fois chaque jour, et plusieurs fois par jour dans une même maison. C’est le geste qui permet de nourrir tous ceux qui sont assis autour d’une même table. D’un seul pain, on en fait plusieurs, pour que chacun ait une part, pour que chacun ait sa part. Et ce geste créé également une « ouverture », en rompant le pain, on sépare deux éléments et on crée de ce fait un espace entre les deux. C’est bien cela une « ouverture ». Dans le cas de notre repas familial, l’espérance liée à cette « ouverture » c’est de recevoir une part de quoi manger.

Sauf que le Christ n’en reste pas à ce seul geste, il l’accompagne d’une parole (principe même d’un sacrement). A ce geste de rompre et de donner le pain, Jésus ajoute la mention d’une identification de ce pain à son propre corps. Ce n’est pas du pain en fait, c’est son corps. Jésus ne partage pas uniquement un peu de farine cuite au feu de bois, il partage sa vie, son corps, qu’il donne en nourriture « pour la vie du monde »[1]. « L’ouverture » qu’il créé donc dans ce geste de séparation en morceau n’a plus tout à fait la même portée. Il ne s’agit pas uniquement de recevoir de quoi sustenter son propre corps, puisque les disciples reçoivent un autre corps dans lequel est contenue la divinité de la Personne du Verbe. En rompant ce pain qui est son corps, Christ ouvre l’espérance que tous peuvent recevoir sa vie, et il donne le moyen de le réaliser. Dieu n’est plus uniquement là-haut dans le ciel, il est présent sous la forme de ce morceau de pain, parce que le Christ Seigneur a dit « ceci est mon corps ». Il n’a pas dit « comme mon corps », ou « vous rappellera mon corps », ou encore « est un symbole de mon corps », mais bien « ceci est mon corps ». Et ce corps a pour finalité de se donner.

Remarquons que la fraction du pain qui est une ouverture, est suivit d’une autre ouverture. Pour recevoir ce don que Dieu veut nous faire, nous devons à notre tour créer une « ouverture »…celle de nos lèvres ! Puisqu’il s’agit de le manger sous la forme de ce pain, nous devons le faire entrer en nous, et pour cela notre bouche doit s’ouvrir. Le Seigneur entre en nous par cette « ouverture ». Notre foi soutient notre intelligence à cet instant, et notre espérance nous fait désirer les biens avenir dont cette communion est les prémices. Cette ouverture de notre bouche, manifeste l’ouverture de notre cœur. Ce pain que nous mangeons, agit surtout sur notre âme. Le salut donné par ce corps se présente donc comme la rencontre de deux « ouvertures ». Comme si Dieu espérait un peu en nous aussi, pas de la même manière, certes, mais il initie depuis le commencement ce mouvement d’ouverture, et il attend que nous fassions de même. Dieu rompt le pain pour nous le donner, Dieu offre son corps pour que nous le mangions. Dieu a ouvert l’espérance d’une relation avec lui beaucoup plus intime que tout ce que les Hommes avaient connus auparavant. Et cette relation d’intériorité réciproque est l’accomplissement de toutes les préparations de l’Ancienne Loi. Manger le résultat du sacrifice animal dans l’Ancienne Alliance, c’est passer à table avec Dieu, chacun ayant sa part. A présent, Dieu a pris la place de l’agneau offert : à sa table ce n’est plus une bête que l’on partage, mais lui et lui-seul qui se donne pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance !

[1] Jn 6.51.

Jeudi Saint – 14 avril 2022 – Fr. Etienne HARANT, o.p.

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